Fillette en Bleu - Modigliani - 1918

Cliquez ici pour laisser un commentaire en bas de l' article

Dans les années 1915-1930, un homme discret et passionné, Jonas Netter, marchand et amateur d' art inspiré a permis à des artistes fauchés de travailler grâce à son soutien financier. Parmi ces artistes, on compte Amedeo Modigliani et Chaïm Soutine.

La Pinacothèque de Paris a récemment exposé jusqu' au 9 septembre dernier une partie de la collection de ce découvreur de talents sous le titre 'La Collection Jonas Netter, Modigliani, Soutine et l’aventure de Montparnasse'. J'ai eu le loisir de m' y rendre en août dernier et ai pu y apprécier en particulier le tableau 'Fillette en bleu' de Modigliani (1918) à propos duquel je vais tenter dans les quelques lignes à venir de vous faire partager mon enthousiasme.

Amedeo Clemente Modigliani, né le 12 juillet 1884 à Livourne en Italie et mort le 24 janvier 1920 à Paris, était un peintre et sculpteur italien que l'on classe parmi ceux de l'École de Paris. Il s' illustre au départ comme un peintre figuratif, puis accède rapidement à la notoriété avec ses peintures d' un genre nouveau où les visages ressemblent à des masques et où les formes sont étirées (voir à ce propos les tableaux peignant son épouse Jeanne Hébuterne ou encore le magnifique 'Elvire au Col Blanc' servant l' affiche de l' exposition). Certainement ici un trait de ses talents de sculpteur tournés vers l' art primitif.

Ici, pourtant, rien de dur ni de sculpté. Rien non plus de sévère. Ce tableau se démarque en ce sens de la plupart des toiles ayant rendu célèbre l' artiste. C'est sans doute la raison pour laquelle il a tant accroché mon regard lors de cette visite.

Emerveillé peut être un sentiment ressenti devant cette Fillette en bleu dont les nuances de couleur font porter au tableau comme une aura protectrice. La robe que porte la Fillette et le mur constituent une subtile étude de bleu. Le relief est donné par la composition en angle, l’ombre portée et le dallage sombre. Les tons pastels offrent à cette toile une douceur innocente et une pureté merveilleuse, lui conférant un caractère surnaturel au sens féérique du terme. Cette atmosphère pleine de candeur nous renvoie l' imaginaire de notre enfance.

Une seconde lecture nous projette une Fillette apeurée, timorée et inquiète. L'angélisme et la tendresse que l'on remarque au premier abord s' estompent alors devant la crainte de cet enfant que son regard transparent et perdu trahit. Une Fillette qui ne sait pas comment placer ses mains enfantines et maladroites et dont les bottines paraissent trop étroites pour des pieds torturés ne demandant qu' à s' en échapper. Naît alors cette impression qu' elle n'est pas seule dans la pièce mais en joug à une quelconque autorité. Nous avons presque envie d' aller vers elle tant elle semble égarée, et de la serrer contre nous, de la rassurer.

Plus que l' expression d' une dualité, ces deux lectures sont complémentaires et agissent de manière alternative selon le regard que l'on veut bien porter au tableau.

C'est sans doute là le vrai talent que celui d' offrir au profane tant de latitude dans le regard porté à une œuvre.

J' espère, à travers cette chronique, avoir pu faire part de ma passion naissante pour la peinture et donner à certains l' envie et la curiosité de se pencher sur cet art pour lequel se substitue à l' 'effort' initial de décryptage un réel plaisir de contemplation et d' interprétation.

Ce tableau fut exposé pour la première fois à Prague en 1923.

Sébastien